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Covid et solidarité : de l’insuffisance des discours bénévolents : Vers une solidarité en actes ?

Il ne s’agit pas ici de dénoncer les mesures Covid comme étant soit liberticides soit insuffisantes. Il s’agit d’analyser en quoi ces mesures doivent être pensées de manière solidaire et non pas égoïstes. Le rôle des mesures est de faire chuter le nombre de contaminations afin de soulager le système hospitalier et d’éviter des morts évitables. Sur cela nous pouvons nous accorder. Nos pouvoirs publics décident donc la fermeture de certains secteurs, de la limitation de certaines activités, et ce, dans un système fédéral, de manière régionalisée.



On ferme par exemple les restaurants ou les magasins « non-essentiels » selon les cantons dans le but de tendre vers un bien collectif, la santé des citoyen·ne·s. On fait donc porter le fardeau de la protection, dans les mesures anti-covid, à certains secteurs du corps social. Je dis « secteurs du corps social » et non pas l’« économie » pour être précis. Si l’« économie » peut désigner des réalités diverses, on pourrait comprendre le concept comme se référant de manière large à tous les réseaux d’échange de matière et de service, par le biais notamment de valeur marchande abstraite (l’argent). Néanmoins, on fait un usage abusif du terme quand on invoque l’« économie » comme réalité fixe, définitive dont il faudrait prendre compte de manière unilatérale alors qu’on évoque des intérêts particuliers, ceux du patronat, de l’actionnariat, en réalité du pouvoir.

Cette logique réductionniste a pour résultat de favoriser des instances de pouvoir particulières, ancrées au niveau politique par des processus de lobbyisme ou de conflits d’intérêt (un·e élu·e bourgeois·e possédant des propriétés ne votera vraisemblablement pas pour un encadrement des loyers pendant le Covid). Quand on évoque l’intérêt de l’« économie » on évoque en réalité trop souvent des intérêts particuliers. L’Etat sauve Swiss de manière unilatérale, échoue à proposer des modalités durables et universelles d’encadrement des loyers au prétexte de ne pas vouloir s’immiscer dans des contrats entre particuliers, etc…

Ce qui est incohérent dans ces actes c’est que, comme nous l’avons dit, le virus touche toute la société, c’est un fait social total ; et nous faisons porter le fardeau de sa limitation à des secteurs particuliers, et de manière localisée, pour palier à un problème national et global. La raison nous pousserait à distribuer les responsabilités et les sacrifices à effectuer afin d’améliorer la situation sanitaire. Il est indigne de faire payer à des surfaces commerciales tout leur loyer ou une partie substantielle de ce dernier lorsqu’elles sont hors d’activité. Si elles devaient perdre une partie de leur chiffre d’affaires, cela devrait être une perte limitée par des mécanismes de solidarité qui infligeraient une perte à l’ensemble des secteurs dits « économiques ». En effet, le sacrifice des restaurants par exemple, ou des salles de concert, ou des boîtes de nuit, ou des commerces non-essentiels, sert un bien commun, et est, de surcroît, décidée par les autorités publiques. On doit alors dans ce contexte, la santé étant un bien public, être solidaires des sacrifices à effectuer pour un bien national.

Si l’on se refuse à cela, on s’expose en réalité, d’une part, à la précarisation des individus touchés par les mesures ; à une perte de confiance en l’Etat de la part de ces secteurs et de leurs acteur·rice·s (en raison de mesures qui leur sont imposées perçues comme injustes) et donc à une fracture du corps social ; et on s’expose enfin à une dégradation de la situation sanitaire, comme on a pu le constater. Si l’Etat se refuse à aider les secteurs, à rentrer dans un paradigme d’économie planifiée (de redistribution systématisée du capital à des fins de conservation durable des secteurs touchés dans une perspective post-pandémie), il est enclin à rouvrir de manière sauvage les secteurs lésés, car ces derniers, sous le poids de pressions économiques énormes, en vient à demander, en dépit des risques, et en raison du manque d’aides, une réouverture. Et une fois que ces derniers sont rouverts et que l’épidémie repart, on peut les refermer avec encore moins d’aides qu’avant en les blâmant.

D’autre part, un Etat incapable de s’imposer face aux logiques de profit qui guident les lieux de pouvoir économique, échoue à imposer des mesures efficaces sur le lieu de travail par exemple, comme on a pu le constater pendant le « déconfinement ». Donc d’une part il rouvre de force des secteurs de facto précarisés par la crise sans aides concrètes (comme l’hôtellerie-restauration) et d’autre part il cède à toutes les pressions de l’ « économie », c’est-à-dire du patronat, des bailleur·se·s, etc… pour que ces dernier·ère·s puissent continuer à exploiter au mieux leurs « opportunités » (on peut penser à la non obligation jusqu’à récemment du port du masque sur le lieu de travail, à la non-obligation du télétravail, à la surcharge subséquente des transports publics, etc.)

C’est pourquoi il est nécessaire de penser des dispositifs de redistribution équitables, inter sectoriels, inter classes sociales (la bourgeoisie possédant les logements, les immeubles et ayant un capital suffisant pour qu’il soit redistribué tout en maintenant pour elle un niveau de vie plus que correct) et inter régionaux (les mesures inéquitables favorisant des régions aux dépens d’autres). L’effort contre l’épidémie se doit d’être un travail solidaire, au niveau du discours et des actes ; alors qu’il est maintenant cantonné à des discours de « solidarité » sans actes concrets efficaces de redistribution.


Romain Gapany

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