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Voix d'Hong-Kong: Lettre d'un·e citoyen·ne

Dernière mise à jour : 11 juin 2020



[Version originale (anglais) en dessous de la traduction]

Cher Monsieur, Chère Madame, Chers toutes et tous,

C’est indéniable, Hong Kong traverse actuellement une crise politique sans précédent. Depuis la première manifestation à grande échelle du 9 juin 2019 contre le projet de loi sur l’extradition, les libertés des Hongkongais·es sont sur le déclin, notamment en ce qui concerne la liberté d’expression, la liberté de rassemblement et la liberté de presse. En tant qu’Hongkongais·e [1], je vous écris pour vous donner une vue d’ensemble de la crise humanitaire à Hong Kong et pour vous expliquer comment vous pouvez nous soutenir dans notre poursuite de la liberté.

Les Hongkongais·es font maintenant face à deux problèmes, le premier étant les exactions policières. La police ne cesse de commettre des actes atroces. Ces situations regrettables se produisent d’une part parce que les policier·ère·s de première ligne sont incontrôlables, d’autre part à cause de l’indifférence des officier·ère·s supérieur·e·s. Lors d’arrestations, les policier·ère·s ont soif de revanche et, se substituant à la justice, i·e·ls ont recours à la force de manière excessive. Il n’est pas rare qu’i·e·ls passent à tabac des suspects et ne respectent pas leurs droits fondamentaux ou qu’i·e·ls déshumanisent les manifestant·e·s et les journalistes en les traitant respectivement de « cafards » (un moyen de réification) et de « journalistes en noir » (des « journalistes mauvais/inférieurs »). I·e·ls mènent par ailleurs des assauts osés et arbitraires contre des passant·e·s portant des hauts noirs.

Parmi tant d’autres, les attaques du 21 juillet à Yuen Long et du 31 août à la station de métro Prince Edward sont celles qui ont provoqué les débats les plus enflammés. Les citoyens soupçonnent l’attaque de Yuen Long d’être le fruit d’une collusion entre la police et des membres des triades [2]. Ce jour-là, un groupe armé de membres des triades portant des hauts blancs ont attaqué des passant·e·s dans la rue et des passager·ère·s dans la station de Yuen Long à l’aide de barres de fer et de bâtons de rotin. La police est arrivée 39 minutes après le début des attaques, bien que celles-ci aient été signalées des milliers de fois sur la ligne d’urgence 999. Cependant, aucun·e individu·e impliqué·e dans l’attaque n’a été inculpé·e.[3] Concernant l’attaque de la station Prince Edward, la police est soupçonnée d’avoir attaqué des passager·ère·s au hasard durant l’arrestation de manifestant·e·s suite à un rassemblement. Au moins 10 personnes ont été blessées durant les faits. Depuis, beaucoup ont spéculé que certaines personnes avaient perdu la vie à l’intérieur de la station, celle-ci ayant été immédiatement fermée et l’entreprise MTR[4] ayant refusé de donner accès aux images de vidéosurveillance de cet incident.[5]

Durant les manifestations, la police a toujours recours à des moyens radicaux, comme pousser les manifestant·e·s et les journalistes et leur pulvériser du spray au poivre en plein visage afin de les disperser. Malgré le grand nombre de vidéos qui montrent la police frappant des manifestant·e·s et les traitant de manière inhumaine,[6] la police de Hong Kong ne s’est jamais exprimée au sujet de ces actes controversés. Les craintes des citoyen·ne·s ne sont donc pas apaisées et la police n’admet évidemment pas ses torts. En tant que membres des services répressifs de Hong Kong, les policier·ère·s sont tenu·e·s de respecter les règles. De tels actes prouvent qu’i·e·ls sont incapables d’exercer leur travail avec retenue, et, de manière encore plus critique, témoignent d’un sens aïgu de vengeance envers nos citoyen·ne·s hongkongais·es. Les manifestant·e·s ont exigé qu’une commission indépendante enquête sur ces violences policières présumées, mais le gouvernement est demeuré jusqu’ici sans réponse à ce sujet. Nous sommes conséquemment plongés dans un état de désespoir et de désolation.

Le deuxième problème auquel nous devons faire face est l’insensibilité du gouvernement face aux exigences des citoyen·ne·s. Notre cheffe de l’exécutif Carrie Lam passe outre l’opinion publique et tente de faire adopter la loi sur l’extradition sans nous avoir aucunement consulté·e·s. Madame Lam a délibérément ignoré les voix de plus de 2 millions de personnes, ce qui a plongé Hong Kong dans une impasse irrémédiable. Son impassibilité face aux violences policières présumées ainsi que son soutien inébranlable aux forces de l’ordre ont procuré tant de raisons aux trente mille policier·ère·s de continuer à commettre ces actes illégaux. Pire encore, elle affirme haut et fort pendant les conférences de presse condamner tout acte de violence au sein de notre société. Pourtant, paradoxalement, elle continue d’ignorer le problème urgent des violence policières. Une telle négligence et une telle connivence ne peuvent qu’envenimer la situation. Tout en tentant d’échapper à ses responsabilités et de paraître innocente, elle essaie de désorienter les Hongkongais·es à travers l’emploi d’éléments de langage peu honnêtes. Elle refuse d’établir une commission d’enquête indépendante tout en ne parvenant pas à diriger les forces de l’ordre. Elle est indéniablement responsable de la dérive de Hong Kong vers un Etat policier ainsi que de la mort et des blessures de nos cher·ère·s jeunes. Remuant le couteau dans la plaie, notre secrétaire en chef de l’administration, Monsieur Matthew Cheung, a demandé de manière honteuse et complètement irresponsable au public d’aller de l’avant et de cesser de revenir sur l’incident du 21 juillet, bien que sachant pertinemment que cet événement laissera une trace indélébile dans la mémoire de tou·te·s les Hongkongais·es et qu’il représente très probablement un crime inexcusable commis par la police de Hong Kong.

S’ajoute à tout cela l’ingérence du gouvernement chinois dans l’autonomie de Hong Kong. Dans la déclaration commune sino-britannique, qui est un traité signé par le Royaume-Uni et la Chine ayant pour objet Hong Kong sous la souveraineté chinoise, le gouvernement chinois a accepté qu’Hong Kong soit dirigé sur le principe « un pays, deux systèmes » durant 50 ans, soit jusqu’en 2047. Néanmoins, la récente proposition de l’Assemblée nationale populaire quant à la loi de « sécurité nationale » sur Hong Kong montre que le gouvernement chinois tente d’interférer dans l’autonomie de Hong Kong. L’adoption de cette loi signifierait, et signifie[7]que toute activité sécessionniste ou subversive, tout acte de terrorisme ainsi que toute ingérence de la part de l’étranger sont interdits. La raison principale pour laquelle nous sommes profondément mécontent·e·s de cette loi est qu’il règne parmi nous une méfiance profonde vis-à-vis du gouvernement central chinois. Contrairement à Hong Kong, la Chine est réputée pour son système juridique opaque. Le système de parti unique en Chine nous inquiète aussi grandement puisque le gouvernement chinois a déjà procédé à plusieurs arrestations d’activistes pour les droits de l’Homme, comme Hu Jia et Liu Xiaobo. Ces éléments expliquent la méfiance profonde qui habite les hongkongais·es à l’égard du système juridique chinois. Par ailleurs, une fois que cette loi aura été adoptée, a été adoptée,[8] l’Assemblée nationale populaire a la possibilité de complètement outrepasser la procédure législative locale à Hong Kong (la loi peut être imposée directement, aussi tôt que la cheffe de l’exécutif la publie dans la Gazette).

Vous pouvez, dans la poursuite de nos libertés, également fournir votre aide. Vous pouvez entreprendre des actions visant à réduire ou à interdire la vente d’armes à la police de Hong Kong. Les ventes d’armes de fabricants suisses comme SIG Sauer à la Police de Hong Kong, concernant entre autres les modèles SIG MPX-K et SIG 516 CQB, impactent directement, et négativement, nos conditions de vie. Comme mentionné précédemment, le problème des violences policières a été l’une des plus grandes menaces auxquelles les Hongkongais·es ont fait face et font face actuellement. Il y a de nombreuses vidéos montrant des policier·ère·s pointant les manifestant·e·s avec leur arme de service ou même faisant feu sur ces dernier·ère·s. Pire encore, les officier·ère·s de police ne respectent pas les consignes d’usage de leurs armes. Ils ont par exemple fait feu droit dans la poitrine d’un manifestant et ont tiré dans l’œil d’une autre.[9]


Vous pouvez également condamner l’oppression policière à Hong Kong. Les Etats-Unis et la Grande Bretagne ont par exemple déjà exprimé leur opinion sur le sujet des manifestations ayant cours à Hong Kong. Les Etats-Unis ont voté la loi sur les droits humains et la démocratie à Hong Kong. Comme son nom l’indique, cette loi vise à défendre les droits des Hongkongais·es ainsi que l’exercice de la démocratie sur son territoire. Nous avons besoin d’attention et de soutien international afin que nos voix ne soient pas réduites au silence.

Enfin, vous pouvez aider les potentiel·le·s réfugié·e·s Hongkongais·es qui souhaiteraient trouver refuge en Suisse. Récemment, certaines nouvelles circulant sur internet nous laissent à penser que la Grande Bretagne envisage d’accueillir les Hongkongais·es en tant que « réfugié·e·s politiques ». En effet, les Libéraux-démocrates ont demandé au premier ministre britannique Boris Johnson d’émettre un « droit de résidence » pour les Hongkongais·es bénéficiant de passeports BN(O) octroyés par le gouvernement britannique avant la rétrocession de 1997. Alors que la crise humanitaire qui sévit à Hong Kong ne montre aucun signe de déclin, certain·e·s Hongkongais·e·s envisagent de fuir afin de se sentir en sécurité. Nous serions extrêmement reconnaissant·e·s envers le gouvernement suisse si celui-ci offrait à son tour son aide aux potentiels réfugié·e·s hongkongais·es.

Merci d’avoir pris le temps de lire cette lettre. Votre intérêt ainsi que le temps que vous nous accordez nous touchent beaucoup. Nous vous en serons pour toujours reconnaissant·e·s.


Meilleures salutations,


Un·e citoyen·ne de Hong Kong


Notes de bas de page et sources:

[1] Note du relecteur: L'auteur·e a souhaité rester anonyme pour des raisons évidentes de sécurité personnelle.

[2] Note du relecteur: Groupes mafieux à Hong-Kong et Macao aujourd'hui fidèles au régime de Pékin.

[3] Pour plus d’informations, vous pouvez consulter ce site internet : https://en.wikipedia.org/wiki/2019_Yuen_Long_attack

[4] Note de la traductrice : MTR est l’entreprise à laquelle appartiennent les lignes de métro à Hong Kong.

[5] Vous pouvez trouver plus d’informations ici : https://en.wikipedia.org/wiki/2019_Prince_Edward_station_attack

[6] Pour des vidéos accompagnées de descriptions : https://tl.hkrev.info/en/police-timeline.

[7] Note de la traductrice : signifie, puisque la loi a été adoptée ce 28 mai 2020.

[8] Idem.

[9] Vous pouvez trouver plus d’informations sur le sujet en tapant le hashtag #EyeForAnEye sur internet.


Version originale:

Dear Sir/Madam,

It is undeniable that Hongkong is currently undergoing the biggest political turnoil. Ever since

the first large-scaled anti-extradition bill protest on 9 June 2019, the freedom of Hongkongers

keeps waning, including the freedom of speech, assembly and press. As a Hongkonger, I am

writing to give you a general picture on the humanitarian crisis in Hongkong and put forward

some possible ways for you to support our pursuit of freedom.


2. Problems that Hongkongers are facing now:

2.1 Police Misconduct

The police’s atrocious acts have been continuously enraging. Such deplorable situations are

caused by not only the ungovernable frontline police, but also the senior officers who react

nonchalantly. While arresting suspects, the revengeful policemen take the law into their own

hands by executing an excessive amount of force. Some examples would be unlawful beating,

depriving suspects of their basic rights, dehumanising protestors and reporters by addressing

them “cockroaches” (a kind of reification) and “black reporters” (meaning ‘bad/ inferior

reporters’) respectively, and finally arbitrarily staging daring raids on pedestrians in black

shirts.

Among all incidents, the 21 July Yuen Long attack and 31 August Prince Edward station attack

spark the most heated debate. Regarding the Yuen Long attack, citizens have been suspecting

the incident is attributed to the collusion between the police and triad members. On that day,

an armed group of triad members in white shirt attacked civilians on street and passengers

inside Yuen Long station with rods and rattan canes. The police arrived 39 minutes later upon

the attacks even when thousands of reports made to the 999 emergency hotline during the attack.

Nevertheless, no involved one is declared convicted. (For more information, please refer to this

website: https://en.wikipedia.org/wiki/2019_Yuen_Long_attack). Concerning the Prince

Edward station attack, the police is suspected to have indiscriminately attacked passengers

during their arrests of protestors after a protest. This arrest has caused injuries to at least 10

people. Since then, there have been widespread speculations suggesting the death of some

people inside the station because the station was immediately closed and the MTR company

refused to release the full CCTV footage of the August 31st incident. (More information can be

found here: https://en.wikipedia.org/wiki/2019_Prince_Edward_station_attack)

During protests, the police would always adopt radical means, such as pushing them and

spraying pepper spray directly to their faces, to dispel protestors and reporters. Despite the

many video clips that show police beating and treating protestors in inhumane ways (video

clips with descriptions can be found in : https://tl.hkrev.info/en/police-timeline/ for reference),

the Hong Kong Police Force never addresses these controversial acts to alleviate citizens’

concerns, let alone admitting their wrongdoings. As members of the Disciplined Services, the

policemen are obliged to comply with the rules. Such acts demonstrate their failure at

exercising restraint during work, and most critically, a strong sense of vengeance on our Hong

Kong citizens. Despite the protestors’ demand for an independent commission of inquiry into

alleged police brutality, the government never answers to demand. Hence, it renders the

Hongkongers in great despair and devastation.


2. 2 The government’s nonchalant attitude towards citizens’ demands

Our chief executive Carrie Lam is riding roughshod over public opinion and enacting the

Extradition Bill without any public consultation. Lam has ignored the voices of over 2 million

people, which has rendered Hong Kong an unrecoverable gridlock. Her disregard for the

alleged police brutality as well as the continuous support towards the police force has granted

the thirty thousand policemen a prerogative to continue their unlawful acts. Worse still, she

claims that she condemns all kinds of violence in our society in press conferences. However,

she paradoxically remains ignoring the pressing issue of police brutality. Such negligence and

connivance would merely exacerbate the current situation. With an attempt to shirk the

responsibility and have her name cleared, she tries to bewilder the Hongkongers through her

cunning language game. She refuses to establish an independent commission of inquiry, while

failing to govern the police force. She is undeniably the culprit for Hong Kong’s Police State

formation, and all the death and injuries of our beloved youngsters. Adding salt to the wound,

our Chief Secretary for Administration Mr. Matthew Cheung shamelessly and irresponsibly

demanded the public to move forward and stop dwelling on the July 21 incident despite

knowing that the 21st July incident would leave an indelible memory on all Hongkongers and

it also suggests an inexcusable crime of the Hong Kong Police force.


2.3 The interference of the Chinese Government over Hong Kong’s autonomy

In the Sino-British Joint Declaration, which is a treaty signed between the United Kingdom

and China on Hong Kong under Chinese sovereignty, the Chinese government agreed to give

Hong Kong to run under the “one country, two systems” principle for 50 years until 2047.

However, the National People’s Congress’s recent proposal of the China Security Law in Hong

Kong shows the Chinese government’s attempt in interfering the autonomy of Hong Kong. The

enactment of the law would denote a ban in secessionist and subversive activity as well as

foreign interference and terrorism. The reason why we feel dissatisfied with the

implementation of this law is firstly because of the prominent distrust of the Chinese

government among Hong Kong citizens. Different from Hong Kong, China is known for its

opaque legal system. The one-party system in China also concerns us as there have been

incidences of the Chinese government arresting human rights activists such as Hu Jia and Liu

Xiaobo. This causes the prominent distrust of the Chinese legal system among Hongkongers.

Also, once the law is passed, it would mean that the National People’s Congress is granted the

prerogative to completely bypass the local legislative process in Hong Kong (the law can be

directly imposed as soon as the Chief Executive publishes it in the Gazette).


3. Things you can do to support our pursuit of freedom

3.1 Take actions to discourage/ terminate gun selling to the Hong Kong Police Force

It comes to our concern that some swiss gun manufacturers such as SIG Sauer sell

guns (e.g. SIG MPX-K and SIG 516 CQB) to the Hong Kong Police Force. As aforementioned,

the issue of police misconduct has been one of the biggest threats that Hongkongers are facing

now. There are numerous video clips showing police officers pointing a gun or even shooting

protestors. Worse still, police officers deviate from the guidelines that they fired gun right in

front of the chest of a protestor and shoot right in the eye of another protestor.

(More information can be found when you search

#EyeForAnEye on the internet)


3.2 Deliver condemnations of the oppression from the police

The US and the UK have already expressed their opinions on the ongoing protests in Hong

Kong. The US has passed the Hong Kong Human Rights and Democracy Act. As its name

implies, this bill aims to safeguard the rights of Hongkongers as well as the democracy in Hong

Kong. We do need international support and attention so that our voice will not be silenced.


3.3 Help for potential Hong Kong refugees who want to come to Switzerland

Recently, some news circulating on the internet has been suggesting that Britain may consider

welcoming Hong Kong as “refugees”. Indeed, the Liberal Democrats in the UK have been

asking the British Prime Minister Boris Johnson to issue a “right of abode” for Hongkongers

with BN(O) passports, which are travel documents that the British government granted only to

Hongkongers before the 1997 handover. As the severity of humanitarian crisis in Hong Kong

now shows no signs of abating, some Hongkongers are now considering leaving in order to

feel safe. We would be extremely grateful if the Switzerland government could send help for

potential Hong Kong refugees.


Thank you for taking the time to read the letter. We really appreciate your patience and

concerns regarding such matters. We would be forever grateful for that.

Best regards,


A Hong Kong citizen

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