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Libéralisme et Covid-19 : le jeu de dupes

Dernière mise à jour : 29 mai 2020

« Leurs vies valent moins que nos profits ». C’est ainsi que nous pourrions résumer l’idéologie animant Madame Martullo-Blocher et son parti, l’UDC, ainsi que le PLR et les milieux économiques, qui ont mis une énorme pression sur le Conseil Fédéral afin qu’il ordonne le déconfinement. Le confinement met à mal notre économie ? Il faut par conséquent qu’il dure le moins longtemps possible ! Et tant pis pour les dommages collatéraux. Après tout, ce sont essentiellement les ouvriers et ouvrières sur les chantiers, les caissières et caissiers dans les grandes surfaces, et le petit personnel de santé qui sont aux premières lignes face à ce virus d’un nouveau genre… Pas les patrons, ni les multimilliardaires comme Madame Martullo-Blocher (dont la fortune est estimée pour 2019 à plus de 5 milliards de francs(1))… après moi, le déluge ! Nous ne pouvons pas tolérer que cesse notre course aux profits, même si cela met en danger la santé de nos concitoyens !

Petit rappel des faits : le 28 février, suite à la situation sanitaire mondiale, de plus en plus préoccupante, surtout chez nos voisins italiens, le Conseil Fédéral, sommé d’agir, le fait bien tardivement et timidement, en se contentant d’interdire les rassemblements de plus de mille personnes, et de déclarer la Suisse en état de « situation particulière »(2). Il n’est toutefois pas encore question de fermer les frontières, ni d’interdire aux travailleur·euse·s frontalier·ère·s (dont notre système de santé dépend dans une large mesure !) de continuer à venir travailler en Suisse. Les intérêts de l’économie, déjà, ont primé sur toute autre considération...

Il faudra attendre le 13 mars avant que le Conseil Fédéral prenne – enfin ! – conscience de la gravité de la situation, et se décide à réintroduire les contrôles aux frontières (sans pour autant stopper le flux quotidien des travailleurs et travailleuses frontalier·ère·s), à faire fermer les écoles, à interdire les rassemblements de plus de 100 personnes, et le 16 mars avant que le Conseil Fédéral déclare l’ « état de nécessité» et s’arroge les pleins pouvoirs pour faire cesser toute « activité économique non-essentielle », autrement dit : les bars, restaurants et petits commerces essentiellement.

Enfin, à partir du 19 avril déjà, sous la pression des milieux économiques, le Conseil Fédéral annonce un « plan de déconfinement progressif » (3) en plusieurs étapes : 27 avril, réouverture des coiffeurs/coiffeuses et autres services à la personne, des jardineries et autres magasins de bricolage ; 11 mai, réouverture des écoles obligatoires, des commerces ainsi que des installations sportives ; puis le 8 juin verra la réouverture des écoles secondaires et gymnases, des lieux de divertissements, des musées et des bibliothèques. Or, dès le 31 mars déjà, l’UDC (qui, rappelons-le, représente la frange la plus dure des milieux économiques, celle la moins prête au partenariat social et au compromis), appelait le Conseil Fédéral à mettre fin au confinement, et à remettre les travailleuses et les travailleurs… au travail ! (Les profits n’attendent pas !) La formation politique préconisait alors (et préconise toujours), pour assurer la sécurité sanitaire des travailleurs et travailleuses, le…port du masque obligatoire. Nouvelle marotte de la conseillère nationale madame Martullo-Blocher (4), qui en avait porté un lors de l’ouverture de la séance parlementaire de printemps. Tandis que le Parti Socialiste demandait quant à lui, dès le 12 mars dernier, de nouvelles mesures de soutien aux travailleuses/travailleurs et aux indépendant·e·s, au moyen d’une stratégie des 3 piliers. (5)

Le Conseil Fédéral n’a de surcroît pas hésité à adopter tout un train de mesures d’aides à l’économie pour venir en aide aux entreprises : 62 milliards (6) ont ainsi été débloqués en urgence pour venir en aide aux petites et moyennes entreprises, et les aider à faire face aux conséquences économiques de la pandémie. Comme quoi, dès qu’il s’agit de venir en aide à l’économique, on trouve toujours beaucoup d’argent dans ce pays… beaucoup moins lorsqu’il s’agit d’assurer les retraites de nos aîné·e·s, ou pour aider les familles à faire face à la hausse des primes d’assurance-maladie !

Curieusement, les libéraux·les les plus acharné·e·s ne dénoncent pas cette « ingérence étatique » dans le système économique, trop heureux qu’ils sont de voir l’Etat voler au secours d’acteur·rice·s privé·e·s. « Privatisation des profits mais socialisation des pertes », voilà leur mot d’ordre. Vous me rétorquerez qu’après tout, c’est l’Etat qui a décrété les mesures de confinement, mettant ainsi à mal la bonne marche de l’économie ; il est donc juste que ce soit à l’Etat de mettre la main au porte-monnaie. D’un autre côté, un véritable libéral vous répondrait qu’une crise telle que nous la vivons sert à « nettoyer » le circuit économique des entreprises les moins solides financièrement, et ne laisserait survivre que les plus saines (acceptant au passage que des milliers de personnes se retrouvent au chômage), terrible exemple de darwinisme social.

On voit bien là que les libéraux ne sont libéraux que par beau temps, et comptent systématiquement sur l’Etat dès lors qu’une crise survient…

Quant à nous, il nous faut exiger, en échange de ce soutien de l’Etat accordé à l’économie, des contreparties sous la forme :

  1. D’une interdiction de licenciement générale ;

  2. D’une interdiction de verser des dividendes aux actionnaires.

Pour toutes les entreprises qui bénéficient de l’aide de l’Etat.

Il nous faut en outre profiter de cette crise pour :

  1. Revaloriser les salaires du personnel soignant et de santé, ainsi que toutes les aides à la personne, qui se sont révélés indispensables à la faveur de la crise sanitaire ;

  2. Réinvestir massivement dans notre système de santé public, afin de le rendre plus abordable financièrement aux plus démunis d’entre nous, et pour faire en sorte qu’il soit mieux apte à absorber une nouvelle crise du genre.

Parce que nos vies valent mieux que leurs profits !


Vincent von Siebenthal




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