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Article - David Raccaud

Le calme pendant la tempête

Dernière mise à jour : 26 avr. 2020


Impossible d’en passer à côté. Un simple déverrouillage de téléphone permet de se rendre compte à quel point il est partout, d’une manière ou d’une autre. Ouvrez n’importe quel réseau social et presque un poste sur deux lui est consacré ; la presse en parle presque exclusivement, qu’elle soit écrite, visuelle ou auditive. Même les publicités avant les vidéos sur YouTube nous préviennent de sa présence. Et si nous décidons de nous couper complètement d’Internet et de l’actualité, nos proches semblent également n’avoir que ce mot à la bouche. Plus que notre cercle restreint, le comportement de nos ami·e·s, collègues et autres connaissances semblent également s’être métamorphosé : toujours être disponible au téléphone est devenu obligatoire, tout comme répondre à ses messages dans la minute qui suit, puisque, dans l’imaginaire collectif, « il n’y a rien d’autre à faire ».

Bref, le coronavirus est partout et ses symptômes ne semblent pas être uniquement ceux décrits par les autorités sanitaires. Si l’économie n’a eu d’autre choix que de ralentir, en tout cas en partie, l’humain semble avoir su adapter son hyperactivité malsaine à son confinement. Nous pourrions presque croire que le système capitaliste s’est enraciné si profondément dans nos vies et dans nos mentalités que, même dans une période où, pour beaucoup, moins est à faire, il rend tout ralentissement impossible. Comme si, à défaut de n’avoir pu ralentir qu’en partie la croissance économique, il empêche le ralentissement de nos vies.

Alors essayons d’aller à l’encontre de ce que semble vouloir ce système et de ralentir, de se calmer, de respirer. Bref, d’utiliser le temps que cette situation exceptionnelle nous donne.

Ceci dit, il est fondamental de se rappeler que la possibilité de prendre du temps pour soi en cette période de crise est un luxe qui, comme tout luxe, n’est de loin pas accessible à la population dans son ensemble. On peut citer les travailleuses et travailleurs dans le domaine de la santé, dont le Conseil fédéral a d’ailleurs fait sauter la limite d’heure de travail hebdomadaire, et ce, évidemment sans augmentation de salaire et sans garantie que ces heures supplémentaires puissent être payées entièrement ou compensées en jour de congé. On peut également citer les travailleuses et travailleurs des métiers de la distribution, qui mettent leur santé et celle de leurs proches en danger pour des salaires de misère et une reconnaissance, en temps normal, inexistante. Ou encore les personnes travaillant sur les chantiers, puisque nos exécutifs ont jugé que, pour des raisons obscures, garantir que la villa du cadre d’une multinationale soit prête dans les délais était plus important que le bien-être de l’ouvrier·ère et sa famille. Nous pourrions citer encore tant d’autres qui ne peuvent se permettre de ralentir en raison de la pandémie et de cette crise, mais nous nous contenterons de citer une dernière catégorie, et pas des moindres : les personnes précaires et celles qui risquent de le devenir après cette crise. Ces indépendant·e·s qui ont dû fermer, ces personnes qui vivaient déjà au jour le jour - et pour qui le chômage partiel risque fortement de faire tomber dans le cercle vicieux du surendettement – ces hommes* et femmes*, suisses et étranger·ère·s, qui, du jour au lendemain, se sont vu dans l’incertitude et n’ont pas la possibilité de se donner du temps pour se calmer et respirer.

Oui, cela fait beaucoup de personnes qui ne peuvent pas prendre le temps pour un travail de mise en recul vis-à-vis de cette situation. Ceci dit, pour ceux qui le peuvent, le temps offert par le ralentissement forcé de la société est à saisir. Lire, écrire, penser. Ces activités vitales au bon fonctionnement d’une démocratie sont, en temps normal, les premières victimes de ce système capitaliste qui vit et qui force de vivre à 200 à l’heure. Aujourd’hui, certain·e·s d’entre nous ont la possibilité de nous en ressaisir, de se les réapproprier.

Penser à notre rôle de citoyen·ne·s durant ces crises où nos dirigeant·e·s décident pour nous, une fois de plus et sans autre consultation, que l’économie prime sur la vie des membres de cette société mondialisée est un exemple sur lequel l’auteur de cet article médite régulièrement. Penser comment ne plus être des membres passif·ve·s de cette société appelé·e·s au mieux aux urnes quatre fois par année, au pire uniquement lors du renouvellement des exécutifs et législatifs. Penser en lisant romand, biographie, papier scientifique ou n’importe quel texte qui souffle sur notre brasier de connaissance. Écrire, pour soi ou pour les autres, pour ses vertus thérapeutiques en cette période de grand stresse et d’incertitude, pour structurer ses idées, pour s’évader, pour laisser place à nos désire, pulsion, pour construire un monde nouveau. Lire, écrire et penser, pour redevenir Humain.

Et il serait dommage de ne pas se saisir de cette opportunité puisque, si une chose est certaine, « l’après » crise sera différente et, si nous désirons que ce différent soit plus juste et plus solidaire, il est nécessaire de ne pas laisser la même élite bourgeoise, en grande partie responsable de cette situation, décider de ce demain.

David Raccaud

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